« RAVE MUSIC » note d'intention et synopsis par Jérôme Thomas / VIVA PROD / SDH support.
« RAVE MUSIC » par Jérôme Thomas (note d'intention du documentaire ""L'Histoire de la Rave, d'Ibiza à Manchester" VIVA PROD)
Une fois le contexte musical mondial planté pour expliquer l'émergence anglaise du phénomène Rave, il nous faut rendre compte du contexte social anglais de la fin des années 80 : chômage de masse, percée de l'ultralibéralisme et dispositif répressif sans limite qui posent les jalons d'un mouvement libertaire et contestataire. La rave répondait aux aspirations d'une jeunesse abandonnée par la Dame de Fer.
Si l'Angleterre est la terre patrie de la Rave music, elle est aussi le résultat d'influence musicale issus de nombreux horizons américains et européens : La techno de Détroit porté par des labels mythiques comme Underground Resistance, le Krautrock allemand ou encore la Baléaric Beat d'Ibiza. La musique voyage avant au travers de ses dj's qui sont les premiers relais de ses tempos affolants. Leurs voyages, leurs destinées et leur curiosité personnelle constituent la culture qu'ils dispersent sur les dance-floors du monde entier.
Après avoir posé les fondations historiques et sociales, nous aborderons le phénomène Rave au travers des corps de métier, afin de montrer qu'une fête est un dispositif complexe d'individualités qui œuvre toutes dans le même sens. Le dj est doublé des apprentis ingénieurs sons, accompagné parfois par les v-jays, toujours encadré par des organisateurs sur-motivés pour accueillir, pour le meilleur ou pour le pire, un public immense ou en petit comité. Ce même public sera présenté sous le thème fort de la transe et de la danse et des relations humaines propres à cette musique. La drogue, sujet parfois tabou, sera abordé d'un point de vue historique et relié au phénomène de transe. L'évolution des drogues, en partie responsable de la dégradation de certaines nuits (la kétamine et l’héroïne sont bannis par les services de sécurité interne de nombreuses rave ou free parties) sera évoqué sans focalisation excessive, car tous ne se dopent pour tenir la nuit en dansant plusieurs nuits d'affilé. Le climat de paix entre communauté sera mis en abîme avec l'esprit de communion souvent ressenti dans ses espaces de total (ou presque liberté).
La free-party, milieu clandestin et fermé pour de bonnes raisons apparaîtra au travers du portrait d'une communauté vivant son utopie au jour le jour, réuni autour d'un hangar en Bretagne, hangar loué légalement. Activistes, ils organisent autant des fêtes légales que des Free parties, renvoyant la complexité d'un mouvement qu'on ne peut réduire à quelques coupures de presses sensationnalistes.
Le temps du documentaire implique un traitement rythmé, mais qui prend le temps donner la parole aux activistes, trop souvent ranger dans des cases par des journalistes trop pressés. Nous mettrons la caméra au cœur de l'action mais sans violer la vie privée de ses interlocuteurs, conscient que l'on étudie pas ici juste un style musical mais un véritable mode de vie dédié à la passion du son.
Ce documentaire tombe à point nommé, internet voit bon nombre d'anciens activistes se réactiver d'une manière ou d'une autre, les archives des vielles mix-tapes circulent, les labels se battent toujours, les Raves drainent toujours en masse un public renouvelé,
La rave n'est pas morte."
Jérôme Thomas
++ Synopsis : « RAVE MUSIC »
Les Raves, dont la musique prend ses racines dans la techno américaine, a révolutionné la manière de faire la fête en Europe. Phénomène sans précédent, ces soirées aux multiples visages ont crée un engouement massif en sortant la musique des clubs pour démocratiser l'accès à la fête.
Issus de la philosophie punk du D.I.Y. pour Do It Yourself, des sounds systèmes investissent des lieux hors du commun pour prolonger la soirée des clubbers.
L'Angleterre, qui a elle même influencé les producteurs américains via sa synthpop, va faire exploser la House en créant ses propres hits ; l'Europe participera à l'essor de cette musique, qui elle restera confidentielle aux Etats-Unis.
L'Hacienda à Manchester, fondé par New Order, verra les djs comme Mike Pickering jouer les premières bombe House qui traumatiseront les oreilles de Laurent Garnier, témoin privilégié de cette évolution de la Dance Music (« Love can't turn around de Farley Jackmaster Funk »).
L'Angleterre habituée aux soirées dans les entrepôts géants, espaces hérités de la crise et de la désindustrialisation, investis ces lieux en posant des murs de sons crachant sans retenus ses décibels. L'interdiction des politiques de jouer au-delà des 2 heures du matin participa au succès des « Warehouse Parties ». Ses soirées ont des services de sécurité constituée par la pègre locale pour des questions territoriales et de bons déroulement. Les profits sont souvent juteux, alimentés par la vente des places qui se compte en millier et d'une drogue encore peu connue, l'Ecstasy.
Cette pilulle brevetée en 1914 comme amaigrissant, fut interdit en 1985 au moment d'un certain succès. Bien qu'on ne puisse généraliser ses effets, elle est connue pour ses qualités euphorisantes, générant une forte empathie et jouant sur le spectre des sens : le toucher et l'audition.
La rencontre entre ce psychotrope et de nouveaux champs musicaux, ces facteurs s'additionnant à un sinistre contexte social Thatchérien, crée un engouement et une consommation incrémentielle. Les Warehouse Parties deviennent les Acid Parties (la musique change, les types de lieu demeurent) mais d'autres organisateurs (Délirium, Spectrum) déplacent le son dans de grands champs ou des clairières, la Rave est née.
Chaque week-end, des embouteillages se forment autour de ces fêtes sauvages et illégales, pour les participants c'est la course à l'information. Le jeu de piste est régit par des flyers psychédéliques et des « infos-lines », un message sur une ligne distillant des points de rendez-vous. Plus tard, internet et les mobiles feront évoluer ces modes organisationnels sans jamais priver les participants de l'excitation propre à cette quête festive.
Au-delà de l'histoire, la Rave est un retour, indirectement, sur un rite ancestral, la transe. L'entraînement collectif conjugué à d'autres facteurs facilitent ces états modifiés de conscience. Initiateurs et foule dansante prenne souvent en charge ces premières expériences très fortes qui bouleversent le parcours de vie des ravers. Le cocktail musique-foule-lumière, éventuellement drogue, joue un rôle d'inducteur dans la transe mais il questionne aussi la place du djs dans notre société actuelle ; ici il n'est qu'un élément, un maillon de la chaîne festive alors qu'aujourd'hui il capitalise toutes les attentions. La star ici est la Rave et son égrégore.
L'image, à travers les v-jays, véritables dj's de l'image, joue une fonction d'habilleur visuelle dans ces nuits pas comme les autres. De nombreuses vocations vont ainsi émerger dans des métiers péri-artistiques, l'épicurisme se double d'une envie de construire sa vie selon ses propres envies professionnelles.
Dans les années 90, les Rave Parties sont devenus des fêtes industrielles ou les premiers teuffeurs ne se retrouvent plus, ni économiquement, ni spirituellement. Le prix d'entrée triple, tarif justifié par une qualité de spectacle qui s'étiole avec le temps. Les Raves aux mains du business seront libérées par l'avènement de la Free Party.
Les Travellers, bête noir de l'Angleterre, insuffle à souffle nouveau au mouvement. Résistant au modèle prédominant et coercitif du sédentarisme, ils vivent souvent en bus ou en camion de récupération, bricolés à grand renfort de système D.
Ecologistes avant l'heure, ils promeuvent une économie du recyclage et de l'entraide collective, en marge de l'individualisme. Ils s'inspire d'Hakim Bey en transformant les Frees en zone d'autonomie temporaire. Ces fêtes fonctionnant sur la donation vont subir la répression la plus forte jamais connue par un mouvement musical.
Les pionniers tels les Spiral Tribe, Exodus ou Bedlam jouent une musique plus radicale (hard techno, hard core etc...), leur étiquette contestataire ne plaît pas au bras armé du pouvoir anglais qui prend des dispositions légales pour interdire les Frees en limitant le nombre des participants à peau de chagrin, n chargeant les fêtards, en détruisant ou en saisissant le matériel.
Interdit de territoire, ils partiront répandre ce modèle de vie musicale, partout en Europe et notamment en France ou naîtront un grand nombre de sounds-systèmes.
Cependant la France a mis du temps à se mettre au diapason techno, cette musique souvent diabolisée par les médias n'est jouée que dans de rares clubs comme le Rex ou la Loco ou officiait Laurent Garnier mais aussi Manu Le Malin, ou Jérôme Pacman.
Le début du mouvement Rave démarre au fort de Champigny et à Mozinor dans une ancienne usine.
Rapidement des grosses raves s'organisent dans des lieux officiels comme sous l'Arche de la Défense, en after à la fermeture des clubs ou au sein des Transmusicales de Rennes.
Des radios comme FG ou Maxximum surfent sur l'immense succès de cette musique qui n'a de cesse de créer des vocations : disquaires, labels, producteurs, djs, c'est tout un segment musical qui s'anime et déferle pour satisfaire un public avide de sorties.
Cette effervescence n'empêche pas les médias de caricaturer ce mouvement en réduisant les Raves à des réceptacles à drogués, drogues non taxés par l'Etat...Etat qui renforce le dispositif législatif pour nuire à son essor.
La Free Party arrive en France en 1993 sous les caissons de basses des Spiral Tribe, véritable initiateur et organisateur de fêtes dans le sud de la France et autour de Paris.
Le premier Teknival, regroupement de plusieurs sound-systèmes, pose son son à Beauvais porté par U.F.O.T. La répression policière toujours plus forte décuple le phénomène dès 1995, les sounds-système français tels les Heretik,Teknocrates, OQP, Oxyde font des émules jusqu'en 2000 ou il se compte en centaine.
Le mode de vie nomade qui va de pair n'est pas de tout repos, tout comme la vie communautaire qui n'est pas toujours rose, mais souvent la passion résorbe les tensions.
Le nomadisme permet aussi de se mettre à l'abri des pressions, plus les sons sont mobiles, plus il est difficile de les stopper. Le mode de vie économique implique un roulement entre ceux qui travaillent et ceux qui organisent les frees parties, souvent tributaire du temps, les free parties se concentrent sur la belle saison après s'être perfectionné ou réparer l'hiver. L'esprit radical de la free fait aussi des dégâts, bon nombre d'activistes ont morflé sur la plan social : désocialisation, éloignement familial, ou physique : acouphènes, extrême fatigue ou psychique : bad-trip, décompensation etc...mais tous parlent d'une rencontre quasi mystique avec le monde et autrui, l'esprit de liberté et de communion lors de ces nuits sonores sont uniques, sans équivalent, formatrices. Ainsi certaines fêtes verront des ennemis de toujours, skins et punks danser autour des mêmes château de son. Tout comme les Hooligans anglais furent, un temps, pacifié par cette déferlante sonore.
Aujourd'hui le phénomène est redevenu Underground mais il opère toujours dans des comités, soit restreints, soit industriels. Les rassemblements de plus de 500 personnes sont interdits ;
Des collectifs comme Epsilonn vivent cette utopie au jour le jour en Bretagne sur un modèle de vie communautaire, d'autres autrefois illégaux comme Les Heretiks, sont passés à un mode de soirée industriel du type Rave, mais légal, encadré, dans les clous.
Tout n'est pas blanc, tout n'est pas noir mais nul musique n'aura jamais déchainé autant de passion et drainée autant de public autour du totem Musique."
VOIR le documentaire "L'Histoire de la Rave, d'Ibiza à Manchester" VIVA PROD) sur le SDH 2.0