LA CHRONIQUE DU DUDE #01 POUR ZEWEED
Pour se relaxer, il n'y a pas une tonne de choses à faire ou à fumer. C'est même le principe, en faire le moins possible, inhaler mais il faut aussi occuper ce mental qui cherche toujours quelque chose en nous, à triturer, analyser et nous casser les bollocks. Il y a bien sûr notre cher CBD doublé d'un bon bain chaud. Jeffrey Lebowski nous l'a montré dans le film des frères Cohen en 1998. Se matter un bon film est aussi un moyen efficace de se déconnecter du réel. The Big Lebowski ce classique du cool, cet ode au stoner, on peut le revoir mais cinq ou six fois, pas plus et tous les deux ans minimum. Le récent The Beach Bum d’Harmony Korine est aussi un film sur un dude, là un poète déshérité de sa défunte femme blindée de tunes et il va devoir se remettre à écrire au lieu de faire la teuf avec Snopp Dog et les clochards célestes de L.A. Je vous le conseille.
Le jeu vidéo également est un moyen de relaxation mais les game-plays sont devenus répétitifs, tellement dirigistes. Il faut tout le temps faire quelque chose, gagner des points pour faire évoluer votre avatar, aller sauver une princesse. Le crafting est un taff permanent et en devient lassant limite fatigant. J'ai lâché l'affaire depuis peu et j'ai découvert la Réalité Virtuelle. J'ai tout de suite zappé les jeux qui ressemblaient trop à ceux que l'on connait déjà sur les anciennes consoles et j'ai cherché une appli de méditation, contemplative en VR donc. Déjà allumer son casque Oculus Quest (1 ou 2) est en soi un moment de zénitude profond. On est téléporté dans un environnement dépaysant, virtuel à 360 degrés. On choisit alors son bureau virtuel, un vrai monde parallèle. Un kiff immédiat, un spasme de bonheur mais au bout de quelque temps, il va bien falloir trouver un chemin pour aller ailleurs et une activité. Je télécharge alors un jeu de pèche parfait – le pied enfin - et une appli de méditation. On me propose plusieurs lieux dépaysants et là surprise ! Après la sempiternelle île des Caraïbes, la canopée d’une forêt dense, un squat lunaire avec une baie vitrée sur la Terre ou un spot pour pisser près des cascades, on me propose quelque chose d’accessible dans le réel enfin dans ma ville celle où je réside. Devinez quoi ? Une bibliothèque !!! Je trouve la proposition cocasse, légèrement surréaliste parce que voyez-vous, j'ai fait une découverte : duder en bibliothèque est aussi relaxant qu’une séance de fumette CBD et consorts ! Je ne savais pas trop pourquoi, j'étais irrésistiblement attiré par l'antre d'une bibliothèque et voilà que les devs d’applis VR me proposent une visite dans une bibliothèque ! Je rêve éveillé ? Tout fait sens ou j’ai une remontée de mauvais THC ? Je vous propose de tenter cette expérience dans le réel et en particulier dans la bibliothèque Richelieu à Paris. Voilà ce que j'ai dégagé de ce plan évasion à moindre coût.
Le dude de biblio à la différence du rat de bibliothèque ne ronge pas les livres, il les effleure du bout des doigts car il n'écrit pas ou alors pour une revue cool comme celle que vous tenez dans les mains, ne fait pas trop de recherches, si ce n'est par hasard et avec sérendipité, vous connaissez ce mot sexy qui décrit le phénomène de trouver quelque chose de plus intéressant que l'objet de la quête initiale. Il fait des siestes dans les beaux et confortables fauteuils design posés dans des recoins du lieu de l'asphyxiante culture, écoute de la musique au casque surtout de l'ambient ou des musiques de films comme Dorothy Parker et le cercle vicieux, scrute en dilettante l'architecture du bâtiment, drague à la machine à café. Il connaît par exemple la méthode pour libérer une canette de coca coincée dans le mécanisme du distributeur. Il secoue amplement par un mouvement de bascule sensuel de la machine, pour la faire tanguer de droite à gauche, de plus en plus amplement pour qu’elle retombe lourdement sur le sol marbré alors les thésardes taiseuses sont subjuguées par ce geste cyberpunk - l'homme fuck la machine, pas l'inverse - elles récupèrent la canette décoincée avec gratitude. Le dude de bibliothèque recherche parfois un livre, un catalogue d'exposition quand au cours de sa vie un tableau, une expression, un concept, un lieu l'empêche de faire la sieste vers 16 h alors il désire percer le mystère, comme par exemple l'œuvre de Dame à la Licorne exposée au musée de Cluny à Paname. Il s'aperçoit rapidement qu'il y a autant d'interprétations que de marques de CBD pour ces six tentures qui représentent les sens qui nous relient à la vie, ils nous permettent de percevoir le monde qui nous entoure, ils sont au nombre de cinq : l'ouïe, l'odorat, le goût, le toucher et la vue. À chaque sens, correspond un organe et saviez-vous qu’au moyen-âge, il y avait le sixième sens ? Le cœur, lieu du libre arbitre entre le bien et le mal, était un sens. Si vous êtes stressés - saoulés des écrans - allez écouter au casque en salle Ovale à Richelieu, Satie et ses Gymnopédies, vous allez écouter votre cœur battre, ce sens perdu… Vous avez fait le bon choix pour vous déconnecter de la hype.
Parue dans Zeweed #02 mars 2023.
La deuxième chronique La semaine des sept dimanches est lisible ici
et la troisième Les histoires de hash finissent bien. En général en kiosque jusqu'à septembre 2024.