MÈMES PAS MAL par Marc‑Louis Questin

 

MÈMES PAS MAL

J’ai lu d’une seule traite, comme on trait une vache, de but en blanc ou de mâle en pie, d’une seule traite des blanches : La rumeur d’Orléans, le dernier livre, comme à con-fesse. Un encens se consume dans la chambre des morts, et le cave ressuscite du tombeau des douleurs. Et bien sûr que c’est vrai, on n’est pas des mythos. J’ai lu — et oh cong ! — je me suis brutalement retrouvé face à moi, en un effet-miroir pas piqué des hannetons. Ça passait crème dans le cerveau, dans les artères pas trop bouchées, ce putain de récit pamphlétaire narcissique, post-situationniste en diable, misérable miracle des losers sur la touche. Le courage d’affronter le taureau par les cornes, remontée des enfers pour Thierry Théolier. Ça saute aux yeux et aux narines, ça pue la mort et la détresse, le flip fatal au fond du gouffre, en son extrême et taoïste lucidité cadavérique — nonobstant les substances englouties par la bête, pas 666 mais plutôt 19e arrondissement (et aussi siècle) — épave dandy foutue, flinguée, aka ThTh fuck the suckers.

Ça parle aussi de sodomie au sens marxiste, manipulable comme si la chair était un luxe sous le vernis des convenances. Triste hypocrisie sociale des fêtes urbaines au bord du Styx. C’est pas vraiment le même trip si tu reçois ton RSA ou si t’es fils de milliardaire — faudrait pas déconner au niveau lutte des classes. Des jeunes filles défoncées sur la piste de danse, les mêmes soumises qui sucent l’hostie devant le prêtre des beaux quartiers. Et l’amour dans tout ça ? se demande le zombie qui titube et vacille sous le rire des cyniques.

Il termine en HP son parcours périlleux, plaies et bosses pour son âme explosée au soleil. Du terrain de pétanque au couscous des dudes, le chat Thao monte sur le lit où dort son maître en solitaire. Poésie flagellée par la pire des épreuves : l’adieu tragique à Rebecca et le départ définitif pour l’au-delà de ses parents. Le frère décroche des addictions et se rapproche de Jésus-Cri, comme si hurler dans le désert pouvait soudain changer la donne.

Il n’en reste pas moins ce récit-monologue, soliloque de la loque, terminus des minus, confessions-confettis, la conscience en lambeaux. Fromage de chèvre et saucisson. Le bougre boit et se défonce, mais la distance est si énorme, et si intense la solitude, et le bilan des matins blêmes, qu’il vaudrait mieux lever son verre à la santé de Bukowski, de Léon Bloy ou de Dosto. Et c’est ainsi que se succèdent images fractales et prises de guerre, dialectique du combat contre soi et son double, pour enfin accéder à ce rêve éphémère : implacable désir d’un répit bienveillant, conviviale sainteté des amis et des chats.

Comme si, soudain, tout s’enflammait. Les pensées sont des anges qui rencontrent le vide et la mort infinie de nos pures illusions.

Lisez donc Mèmes pas mal (Éditions L)

Ça fait du bien par où ça passe. Un passionnant entretien avec Laurent Courau vaut aussi le détour, à la fin du bouquin.

La Fiancée du Stromboli (extrait).

Marc‑Louis Questin